PETIT PORTRAIT DE LA
NARCO-VIOLENCE AU MEXIQUE EN 2012
Le mythe de la boîte de Pandore est plus actuel
que jamais. Dans un pays habité au nord par el désert et au sud par la jungle
et les plantations de café, quelqu’un a soulevé le couvercle. Soudainement. Si
soudainement que des régions paisibles il y a 4 ans sont devenues en 2011 un no man’s land parsemé de villages fantômes.
Le Mexique a la chance et
la malchance de partager une frontière longue de 300 kilomètres avec le pays le plus puissant
au monde, qui est aussi le plus gros consommateur de drogues fortes sur la
planète. Un marché faramineux où coulent l’or et la myrrhe, et auquel s’ajoute
celui de la contrebande d’armes. On estime que des milliers d’armes traversent
la frontière américano-mexicaine tous les jours.
La
violence que ce trafic a engendrée (beaucoup estiment que les 40,000 morts
officiels que recense presque pudiquement le gouvernement mexicain en 2011 ne
sont que la pointe de l’iceberg) suit la route qui part de la Colombie et qui aboutit aux
points de distribution des États-Unis, et du monde entier. C’est pourquoi,
parlant violence, il faut immédiatement se demander où au Mexique : Ciudad
Juarez, qui est collée à la frontière avec le Texas, ce n’est pas Mérida, au
sud-est du pays, où il y a rarement des exécutions. L’état de Michoacán, où un
cartel home-made, La Familia, terrorise la
population depuis quelques années, ce n’est pas la même chose que Campeche, qui
vit encore sous le baume tropical de ses plages presque vierges et ne se trouve
nullement sur le chemin de la contrebande.
Une route de la soie moderne dont
les caravanes ne sont pas conduites par des Bédouins, mais par des commandos
armés jusqu’aux dents, traverse le Mexique. L’arme de prédilection de ces
criminels, la mitraillette AK-47, s’appelle au pays de la tequila,
poétiquement, un cuerno de chivo
(corne de chèvre). Ce qui est indéniable, c’est que cette violence inouïe a
tendance à émigrer vers le sud, et que de plus en plus d’états parmi les 32
entités fédérales qui composent la république mexicaine, voient leurs morgues
devenir surpeuplées.
Les
pays riches se scandalisent des nouvelles faisant état de cadavres décapités, de
tueries d’un sanguinaire dépassant la science fiction, mais ils représentent la
majorité des consommateurs de substances où pour trois dollars, par exemple,
grâce à une pilule de crystal meth,
on peut acheter l’illusion d’une vie sans limites que l’on conduit comme un
bolide, au faîte du plaisir. Pourtant, ce sont elles, sociétés blanches et
ordonnées où règnent l’état de droit, qui sont indirectement responsables d’un
tel carnage et qui alimentent cette violence, par leur consommation d’agrément
qui finit souvent en pharmacodépendance. Mais dans les champs de neiges du
Québec ou de la
Scandinavie, dans les discothèques de Barcelone ou les
ghettos de New York, on est bien loin des fosses communes que l’on découvre
régulièrement au Mexique. On peut tranquillement fermer les yeux et tourner la
tête. Les banques, le marché immobilier et hôtelier, les concessionnaires
automobiles des pays trafiquants, peuvent, eux aussi, faire semblant que le
blanchissage d’argent n’existe pas, tous comme les producteurs d’armement,
majoritairement originaires de pays riches, voient assurée une demande
croissante de leur marchandise.
Qui donc est le plus coupable, celui
qui prend la route du crime parce que son pays vit dans la stagnation
économique depuis 2 générations, ou celui qui —loin des yeux, loin du coeur—
blanchit de l’argent, consomme ou vend des armes?
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