sábado, 6 de febrero de 2016

Quelques poèmes de ma plume



Personnages historiques


Aux Ulysses, aux Pénélopes,
aux Caïns et Abels et aux Christs
en quête de voyages, de métiers à tisser,
                   de guerres fratricides
et de croix où accrocher l'âme pour la saigner à mort,
              à chacun d’entre eux
qui encombrent ton enceinte vermillon,
je donnerai une voile, une aiguille à tricoter,
un poignard et un verbe
pour qu’ils aillent frayer leurs échafaudages
                        dans les eaux de ta maison.

Souvenirs d’enfance


Maman:
je te vois encore passer dans le ciel
chevauchant ton balai,
ta longue chevelure d’argent
comme la queue d'une comète
        filant en trombe entre les nuages.

Et voilà le mari
avec ses cheveux bouclés
             et sa barbe noire,
qui parfois, certes, lui aussi,
        me regarde
comme toi-même tu me regardais.




Ta peau


               Ta peau une terre brûlée d’un horizon à l’autre.     
               Et sur les draps alors lumineux, devenus désormais linceuls, le fleuve en crue ayant servi de sillon pour le semis de tes mains.
               Ta peau coupée en lamelles par le rasoir du temps.
               L’heure répandue par le goulot de la clepsydre, cette si petite heure d’un calendrier véloce où toi et moi avons fait naufrage à bord de l’arche s’étant formée sous nos deux corps, avec ses animaux de terre ferme et tout.
               Le lit a disparu, effacé par la lumière, et nous sommes partis à la dérive, perdus dans ce premier océan de Dieu, versé bleu avec ses vagues et le sel et tout, dans le branchage de nos veines.
               Vif-argent d’une mer évaporée en une seule nuit, et les oiseaux à bord, les lions et les insectes, stridulations et rugissements, battements d’ailes dans la cage thoracique ouverte de nos corps.
               La lune, accrochée au plafond, pendait au bout de son fil, étrennant son premier quartier sur la voûte céleste de la chambre, perle noire oscillant sur un ciel de soie blanche.
               Et ta peau, ta peau huit heures durant, tissée sur la mienne par la tisserande inlassable des minutes, en ce rouet né d’une chrysalide filant la laine de tes mains sur le galbe de ma cuisse.

Bourdonnements et croassements au moment de l'échange


Insectes qui volent en bourdonnant de ton corps au mien. Vent qui croasse à l’orée du champ d’asphodèles qui nous sert de lit.

Des yeux de porcelaine incrustés dans les arbres nous voient échanger des antiquités à la lumière d'un clair de lune plus brillant que celui de la veille.

Le troc suit son cours: nos squelettes deviennent chauds, incandescents, ils resplendissent à blanc comme aux forges des fers à cheval chauffés à blanc.

Le soleil, compact dans son corsage de lumière, obéira à son horaire en faisant tomber la lune à l'aube, mais entre-temps, où battait donc cette chose, si hors de sa place habituelle? Je la vois sursauter,  effrayée dans cette partie du corps où normalement on cultive des pierres ornementales en les arrosant d'eaux miraculeuses.

Les battements continuent de plus belle, ils résonneront jusqu'aux matines; peut-être les dernières heures de pénombre passeront-elles à travers le chas de l'aiguille qui nous reprise un sur l’autre, et nous donneront-elles un tremble, un lapis-lazuli en cadeau, une fontaine improvisée où y laver nos cheveux.

On y est presque: nos visages, éclairés de l'intérieur par le lattis des os en ébullition, tomberont bientôt sur nos genoux, mais le jour ne se lève pas encore, et aucune tempête, aussi violente soit-elle, ne pourrait les arracher maintenant.


Armistice


Je suis debout, les mains vides, et le poignard, la lame, le fouet, le maillet, le couteau sont éparpillés sur le sol à mes pieds. Tiges de blé avant que n’arrive la glaneuse.

L'ange —aile pâles d’albatros noir— n’a pas l’air de quelqu’un qui est armés d’armes blanches dans ses poches. Il n’a pas un regard de tueur. Mais il se penche avec une telle élégance (mon Dieu, le tableau d’un Madonne de Botticelli Madonna aux yeux vénusiens) que je pense tout de suite: il va aller cueillir des fleurs, une douzaine de chrysanthèmes pousseront instantanément sur les dalles en céramique, et lui, par clairvoyance, il anticipe la floraison miraculeuse.

Mais non : comme dans tour de passe-passe, la paume ouverte sur les objets de violence, fait avec eux un bouquet, comme un paquet d’asperges ou de marguerites, un fagot de bois.

D’où je suis, je le vois les jeter dans les eaux du lac, comme qui, après avoir commis un crime, effacerait les empreintes digitales ou les traces de poudre à canon sur la poignée d'un pistolet. Je m’aperçois qu’il me les tend avec douceur et je fais un pas en arrière.
Amour, brouillard, tant de choses en suspension. Lui, il ne bronche pas.
Une moelle de lumière lui fait une coupure sur la joue droite.
           
           







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